J’ai visité lundi dernier une exploitation agricole en Seine et Marne. 440 hectares, faisant vivre trois familles qui ont mutualisé leur matériel pour plus d’efficacité.
L’exploitant, membre de la Coordination rurale, m’a exposé l’un des problèmes majeurs de l’agriculture française : l’absence d’une vraie capacité d’expertise indépendante pour vérifier et promouvoir les bonnes pratiques agricoles.
Par exemple, il m’a relaté comment il a tâtonné pendant des années pour trouver le bon dosage d’engrais à l’hectare, le fabriquant, bien sûr, indiquant dans la notice une dose dix fois supérieure à ce qui se révèle finalement nécessaire.
Une fois le produit mis sur le marché, muni de toutes les autorisations en bonne et due forme, ce sont des millions d’euros qui partent en fumée sauf pour quelques grandes entreprises qui, bien sûr, poussent à la consommation. Sous forme de boutade, l’exploitant m’a dit : « C’est comme si le pharmacien était aussi le médecin ». S’il en était ainsi, il va de soi que les prescriptions de médicaments s’envoleraient.
Mais à quoi sert le Ministère de l’Agriculture, à quoi servent les Chambres d’Agriculture ? Les quelques experts qu’elles dépêchent sur le terrain sont trop vite rapatriés dans leur bureau.
Le jour où une expertise indépendante et aisément accessible en matière agronomique sera assurée, alors on pourra parler de vrai Grenelle de l’Environnement. On est très fort pour demander l’installation de panneaux solaires sur le toit de la grange ou de planter une éolienne au milieu du champ, cela fait écolo ! En revanche on tâtonne toujours pour doser correctement les produits chimiques dans les sols.
Tout à coup, alors que j’étais sur le départ, il me dit : « J’oubliais, ils viennent de sortir une semence entourée d’un insecticide qui nous a tous rendu malade dans le secteur. On s’est renseigné et les symptômes sont apparus dans toute la France. Pourtant ce nouveau produit est autorisé par le ministère ».
Il y a de quoi frémir quand on sait que les médecins leur ont demandé de ne plus toucher cette semence et que le fabriquant a même recommandé un masque pour le manipuler. L’enquête suit son cours. Là aussi, silence radio du ministère de l’Agriculture.
En rejoignant une autre exploitation, à travers ces magnifiques paysages de Seine-et-Marne, où l’on peut voir ces vieilles fermes fortifiées des environs de Provins, je me disais tout simplement que c’est l’Etat qui a disparu, débordé par ces multinationales, par un progrès technologique qui avance plus vite que les chefs de bureaux, par ces intérêts qui achètent la bureaucratie de Bruxelles ou de Paris.
Oui, de tout temps il y a eu des combines, mais jusqu’à une période récente l’Etat jouait son rôle, celui de faire prévaloir l’intérêt général, la santé publique. Curieux pays qui a autant de fonctionnaires et de dépenses publiques par habitant mais qui semble incapable de se faire respecter par Bayer ou Monsanto ! Ce n’est pas une question d’argent, c’est une question de volonté et d’organisation. A cet égard, serait-il si extraordinaire que la Région apporte son aide à ses agriculteurs, pour aider à la réorganisation des filières, pour encourager certaines productions, pour apporter une expertise qui fait défaut ? Ce n’est, semble-t-il, pas la préoccupation de M. Huchon ni de Mme Pécresse. Mais, me diront-ils sans doute : « La Seine-et-Marne est si loin… »
NDA